La luminotherapie

Se soigner avec de la lumière

L’espèce humaine s’est adaptée depuis ses origines à vivre dans des milieux naturels en pleine lumière. L’évolution de notre espèce nous rend de plus en plus actifs la nuit. La luminothérapie a pour fonction de nous resynchroniser dans nos rythmes physiologiques avec la lumière. Cette technique est apparentée à la chromothérapie qui traite surtout avec les couleurs.

Depuis quelques décennies, nos modes de vie nous conduisent de plus en plus à travailler dans des bureaux. Nous sommes moins au contact de la lumière du jour et cela provoque des dérèglements, comme la désynchronisation de notre horloge biologique qui est à l’origine de troubles de l’humeur, du sommeil et de la dépression saisonnière. Dans la plupart des cas, ces troubles passent inaperçus, mais parfois, ils provoquent de vrais problèmes de santé tels que la dépression chronique, des désordres alimentaires, etc. Les traitements par luminothérapie ou chromothérapie, établis sur l’usage contrôlé de la lumière, peuvent y remédier.

Qu’est-ce que la luminothérapie ?

La luminothérapie que l’on peut nommer photothérapie ou héliothérapie est un traitement par l’exposition quotidienne à une lumière blanche proche de la lumière du jour.

C’est une médecine douce et alternative qui lutte contre les problèmes engendrés par le manque de luminosité. Un manque de lumière prolongé finit par provoquer des troubles associés aux dérèglements de l’horloge biologique interne.

En luminothérapie, on utilise des dispositifs composés de lampes fixes ou portatives qui émettent une lumière proche de la lumière du jour d’environ 10 000 lux. Pour exemple, la puissance lumineuse en plein soleil au Zénith est de 120 000 lux. La notion de température de couleur est importante. Elle définit la nature de la lumière. Une lampe se rapproche de la lumière du soleil avec une température de couleur de 4 000 à 5 000 kelvins.

En pénétrant dans l’œil et la rétine, la lumière influe sur les mécanismes de l’horloge circadienne qui régule les taux hormonaux dans notre organisme. L’enjeu est de resynchroniser cette horloge, ce qui permet de restaurer la sécrétion de neurotransmetteurs impliqués notamment dans la régulation du sommeil. La luminothérapie agit aussi sur certaines maladies neuropsychiatriques, comme la dépression chronique ou saisonnière.

Au fil des temps

Le soleil est vénéré depuis la nuit des temps. Il a même été au centre de la spiritualité de nombreuses civilisations.

  • Au japon Amaterasu ō-mi-kami était « la plus grande divinité qui luit au ciel ». Déesse de la lumière et souveraine de la Plaine du Haut-Ciel (Takama-ga hara)
  • Rê dans l’Égypte antique
  • Inti pour les Incas
  • Hélios pour les Grecs
  • Pour les pays nordiques, Freyr Dieu de la fertilité associé au soleil
  • Huitzilopochtl pour les Aztèques
  • Hvar Khshaita en Perse
  • Liza en Afrique de l’Ouest
  • Sol Invictus pour les Romains
  • Lugh pour les Celtes

Il faut attendre Hippocrate (460 av. J.-C.-370 av. J.-C.)  pour que les rayons du soleil soient considérés comme un remède.

La première approche médicale apparaît en 1893, avec l’invention par le médecin danois Niels Ryberg Finsen d’une lampe capable de produire une lumière à large spectre, proche de la lumière du soleil. Ce dispositif permet de traiter avec efficacité des maladies de la peau.

La technique est largement popularisée en France grâce au radiologue Jean Saidman.

Avec l’apparition du premier antibiotique, la méthode thérapeutique tombe dans l’oubli.

Dans les années 80, le docteur Norman E. Rosenthal (chercheur au National Institute of Mental Health à Singapour) théorise le risque de dépression chez les personnes partiellement privées de la lumière du jour.

La luminothérapie progresse

De nos jours, la luminothérapie, comme la chromothérapie, ont gagné leurs lettres de noblesse. Le peu d’effets secondaires en facilite la pratique. C’est un outil thérapeutique très souvent utilisé. Ses principales réussites concernent le traitement de la dépression saisonnière et de certains troubles du sommeil. Il est néanmoins dommage que ce traitement ne soit pas utilisé pour soigner plus de patients.

Le docteur David Servan-Schreiber, neuropsychiatre, le constate dans son livre « Guérir », dans lequel il conseille son utilisation à grande échelle.

Les pays scandinaves, la Suisse comme le Canada ont adopté la luminothérapie comme une alternative thérapeutique, qui est d’ailleurs référencée par les caisses de prévoyance maladie.

Comment agit la luminothérapie ?

La lumière est source de vie et de santé. Sans énergie solaire, il n’y aurait pas de vie sur terre. Sans lumière, les plantes ne pourraient pas synthétiser les éléments qui les nourrissent.

Depuis le début de l’évolution des espèces, les alternances jours-nuits agissent comme une grande horloge qui détermine le cycle des activités biologiques. Nous partageons aussi en tant qu’être humain ces alternances.

Ces mouvements célestes, qui nous découvrent et nous cachent le soleil chaque 24 h, commandent aussi les marées. Tout est cycle dans la vie. Ceux qui ont fait l’expérience du décalage horaire connaissent les effets de la désynchronisation qui nous fait somnoler durant le jour et nous empêche de dormir la nuit.

Avec nos vies citadines artificielles, nous avons oublié l’importance de cette harmonie naturelle. Il est temps de se reconnecter à cette réalité, sous peine de courir le risque de provoquer une épidémie de désordres physiologiques, qui pourraient être à l’origine de nombreuses pathologies.

Qu’est-ce que l’horloge biologique ?

Dès le XVIIIe siècle, des savants ont observé des curiosités de la nature. C’est le cas de Jean-Jacques d’Orthous de Mairan qui a étudié le rythme d’ouverture des feuilles de mimosa. Il les a placées dans l’obscurité totale et a remarqué que, malgré l’obscurité totale, les feuilles s’ouvraient et se fermaient toujours aux mêmes heures, comme leurs congénères dans la nature.

Bien plus tard, dans les années 70, des chercheurs comme Konopka et Benzer mettent en lumière le rôle de la génétique dans les rythmes biologiques.

En 1972, Moore et Eichler localisent précisément le mécanisme dans le cerveau, au niveau de l’hypothalamus.

Afin de mieux appréhender la luminothérapie, il est nécessaire de mieux comprendre quelques principes qui interviennent dans la régulation des rythmes biologiques que l’on nomme circadiens (Latin circa, environ et dies, jour).

Ce sont des alternances biologiques définies par la succession d’une quantité définie de cycles qui se répètent à intervalles réguliers, comme le sommeil et l’éveil.

Établis sur une période de 24 heures, ces cycles commandent de nombreuses fonctions dans l’organisme : la sensation de faim ou de sommeil, l’intensité de la douleur, les besoins énergétiques, etc.

L’organisme humain est synchronisé dans la plupart de ses fonctions. Il possède une horloge interne qui, curieusement, est décalée de nos cycles biologiques. La moyenne chez le sujet sain est estimée à 24 h 10. Ce qui nous resynchronise, c’est un mécanisme lié à la perception rétinienne de la lumière du soleil. Ainsi, notre horloge biologique se remet à zéro chaque jour.

Il est facile de comprendre qu’un manque de lumière peut nous perturber. Cela provoque des troubles qui dépassent la seule qualité du sommeil, car ce rythme agit sur notre fonctionnement physiologique global.

Le sommeil et la production de la mélatonine.

Le processus de veille et de sommeil est régulé. Des cellules nerveuses relient la rétine par l’intermédiaire de l’hypothalamus à la glande pinéale. Cette glande produit de la mélatonine.

Mais, pour que cette hormone soit sécrétée, l’obscurité est indispensable. En suivant un rythme biologique normal, la sécrétion de ce somnifère naturel atteint son niveau maximal à 2 h du matin.

Si nous sommes au contact de la lumière, même faible, la production de mélatonine s’arrête et le sommeil est perturbé. En bref, nous sommes programmés pour la lumière du jour et non pour la lumière artificielle la nuit.

Lorsque le métabolisme de la mélatonine est déréglé, cela peut engendrer une fragilité à la dépression, qu’elle soit générique ou saisonnière.

La luminothérapie agit comme régulatrice de nos cycles biologiques. Nous avons besoin de nous exposer à la lumière durant la journée, tout comme nous avons besoin de l’obscurité pendant la nuit.

Les pays nordiques ont donc un problème et ce n’est que depuis quelques décennies que les pouvoirs publics de ces pays en ont pris la mesure. Le manque de lumière provoque des dépressions saisonnières parfois critiques, avec des taux de suicide l’hiver plus importants que durant les autres saisons.

Au Canada, environ 18 % des populations souffrent d’une déprime saisonnière.

Les chiffres sont similaires en Scandinavie. On y remarque aussi des troubles de l’humeur et des désordres physiologiques divers.

Pour y remédier, beaucoup d’habitants de ces pays utilisent des lampes spéciales ou sunlights. Certains hôtels intègrent ces lampes de luminothérapie dans les chambres.

Dans les lieux publics des grandes villes comme les grands magasins, le problème est aussi étudié.

Il existe aussi des « cafés lumière » comme à Stockholm en Suède, mais également en Finlande.

Le problème est semblable pour certaines vallées alpines très encaissées, où le soleil ne montre pas son nez pendant des semaines. Un petit village italien, Viganella, encastré entre deux montagnes, perd le soleil durant 83 jours à partir de la mi-novembre. La commune a fait installer un miroir géant pour faire bénéficier les habitants du bourg des bienfaits du soleil.

La luminothérapie et la dépression.

Beaucoup d’études concernent la dépression saisonnière. Ce syndrome apparaît avec la diminution de la durée du jour et une plus faible intensité de la lumière extérieure. L’horloge biologique interne de certaines personnes se dérègle pour des raisons mal connues.

Présents principalement dans les pays nordiques, les symptômes en sont :

  • Une humeur dépressive,
  • De la fatigue chronique,
  • Une baisse de la libido,
  • Une somnolence permanente,
  • Des troubles alimentaires
  • Une perte d’intérêt pour des pratiques sportives ou ludiques

C’est un blues passager dans la plupart des cas, mais qui peut être à l’origine d’une vraie dépression chronique qui nécessite une prise en charge médicale.

Les personnes qui travaillent de nuit ou dans des lieux privés de la lumière du jour sont également touchées par ce syndrome.

La luminothérapie prévient ces symptômes. Avec un traitement adapté, la déprime disparaît facilement.

Pour une dépression installée, le traitement vient en association avec une prise en charge médicale et une thérapie des patients est nécessaire.

Une aide pour la dépression pathologique.

Des études ont montré que la luminothérapie semble bénéfique en complément d’un traitement médical.

Le psychiatre et médecin du sommeil Pierre Alexis Geoffroy (du département de psychiatrie Bichat-Beaujon, Paris) a publié un rapport dans la revue Sleep Medicine Reviews qui démontre le bien-fondé d’une utilisation conjointe d’antidépresseurs et de la luminothérapie.

L’utilisation quotidienne d’une lampe de 10 000 lux améliore significativement les symptômes de la dépression quand une lampe de (4 000 lux) agit beaucoup moins bien. Mais il est conseillé de l’utiliser comme un complément aux antidépresseurs.

Actions de la luminothérapie sur les troubles de l’alimentation associés à l’influence des saisons

Il parait : suivant de récentes études, que la luminothérapie a des effets bénéfiques contre les troubles alimentaires, anorexie légère et surtout boulimie. Par ailleurs, elle agit au niveau de la fréquence des crises et facilite une meilleure prise en charge. Il en est de même concernant des causes affectives et des traumatismes de la vie.

Les séances de luminothérapie produisent-elles de la vitamine D ?

La vitamine D joue un rôle important pour notre santé, car elle est essentielle pour réguler le taux de calcium dans nos os et nos dents. La vitamine D booste nos systèmes immunitaires.

Elle est synthétisée par les cellules de la peau en présence des UVB et UVA des rayons solaires.

Une lampe de luminothérapie, à l’inverse d’une lampe à bronzer, ne doit pas produire d’ultraviolets A et B. Elle doit respecter les normes en vigueur pour ne pas exposer la rétine à ces longueurs d’onde sous peine de l’endommager définitivement.

La luminothérapie ne joue aucun rôle dans la production de vitamine D, mais elle agit malgré tout sur le système immunitaire par d’autres biais.

Un conseil, même l’hiver, sortez quand le temps est présent. Un peu de rayons solaires sur votre visage et vos mains suffira à produire la vitamine D qui vous manque.

La luminothérapie a d’autres effets bénéfiques :

Elle active la croissance cellulaire.

De plus, elle active le processus de cicatrisation.

Par ailleurs, elle stimule les processus de guérison de l’ensemble du corps.

 

 

La luminothérapie à domicile

Pour pratiquer la luminothérapie chez soi, il faut respecter certaines règles :

Utiliser une lampe aux normes européennes offrant toutes les garanties de sécurité pour vos yeux.

Important : elle ne doit pas produire d’UV A et B.

La puissance est en général de 10 000 lux avec une température de couleur de 4 000 à 5 000 degrés Kelvin

L’angle du faisceau lumineux doit être suffisamment important.

Le visage doit rester à la lumière pendant le temps de la séance.

Si la lampe est prescrite par un médecin, elle peut être prise en charge par certaines mutuelles de santé.

La durée du traitement est d’environ une semaine.

La durée des séances se situe entre ½ heure à 2 h et prioritairement le matin. Si c’est impossible, il faut respecter 3 h avant votre coucher pour ne pas compromettre votre sommeil.

La luminothérapie ne vous retient pas complètement captive, car vous pouvez vaquer à d’autres occupations, travailler sur votre ordinateur, prendre un repas, etc.

Il existe d’autres techniques qui permettent de bénéficier de la luminothérapie comme :

  • Les simulateurs d’aubes qui reproduisent artificiellement la lumière du petit matin dans votre chambre.
  • Les lunettes de luminothérapie. Celles-ci ont l’avantage de vous faciliter la mobilité pendant votre séance.

 

La luminothérapie en clinique de santé.

Quelques établissements de santé proposent à leurs patients des séjours de luminothérapie. À l’entrée du patient en clinique, un diagnostic est réalisé afin de l’orienter vers une thérapie ciblée. Les séances ont lieu avec du personnel spécialisé.

Deux méthodes principales sont proposées.

  • Le Psio E-de, est outil de stimulation visuelle qui combine luminothérapie et la relaxothérapie
  • La SensoSphère, utilise la chromothérapie qui diffuse une lumière pure permettant de réguler l’organisme

La luminothérapie n’est pas un remède miracle, mais elle peut contribuer à améliorer la santé, surtout en période hivernale.

C’est une médecine douce avec très peu d’effets secondaires. Cette technique est promise à un brillant avenir.

 

 

La lumière traitée par les artistes.

Certains artistes contemporains se sont emparés des lumières artificielles comme médium de création. D’une certaine manière, par leur travail, ils présentent à une certaine conception du bien-être par la lumière et les couleurs.

  • L’artiste danois Olafur Eliasson avec son installation originale « The Weather Project », a recréé un coucher de soleil au Tate Museum de Londres en 2003. Cette initiative n’est pas sans corrélation avec le trouble de dépression saisonnière auquel sont confrontées les populations nordiques.
  • En utilisant uniquement des lampes fluorescentes commerciales dans ses œuvres, l’artiste Dan Flavin a conçu une forme d’art radicalement nouvelle. Son adoption du luminaire fluorescent sans fioritures, en tant qu’objet esthétique, l’a placé à l’avant-garde d’une génération d’artistes.
  • L’artiste new-yorkais s’est rendu célèbre en 1963 avec son installation au musée Guggenheim de New York « The Nominal Three » (to William of Ockham, dédié au philosophe anglais du XIVe siècle). Il utilise six tubes de néon verticaux (rouge, bleu, vert, rose, jaune, ultraviolet, et quatre blancs différents).
  • Que dire de James Turrell, un des papes des installations lumineuses ? En 2013, il offrait à la Fondation Louis Vuitton à Las Vegas aux USA, un antidote à la vie trépidante des grandes villes.
  • Intitulée « Akhob » (en égyptien antique), ce qui signifie « eau pure », cette installation est composée de deux chambres avec chacune une ouverture illuminée par un motif de lumière changeant lentement et qui se répète toutes les 24 minutes.
  • En 2011, dans le cadre de la Triennale Québécoise, l’artiste Lozano-Hemmer a déployé sur la place des Festivals dix-huit projecteurs de 10 000 watts chacun. Cette installation projette des faisceaux lumineux dans le ciel, un peu à la manière de la DCA (Défense Contre Avion). Les projecteurs sont les mêmes qu’utilisent les États-Unis pour surveiller leur frontière commune avec le Mexique.

Photo Max Vakhtbovych

Sujets voisins: