Avant Banksy, Basquiat ou même TAKI 183, il y avait Cornbread. Né Darryl McCray en 1953 à Philadelphie, Cornbread est aujourd’hui reconnu comme l’un des tout premiers graffeurs de l’histoire du street art. Ce jeune afro-américain, qui commence à inscrire son nom sur les murs à la fin des années 1960, ne cherche ni gloire ni rébellion à l’origine : il veut tout simplement impressionner une fille. Mais ce geste intime va rapidement se transformer en acte social, marque d’identité, et déclencheur d’un mouvement mondial.
Tout commence dans un centre de détention pour mineurs, où McCray gagne le surnom de « Cornbread » à force de réclamer du pain de maïs à la cantine. Lorsqu’il sort, il commence à écrire « Cornbread » partout dans les rues de Philadelphie, des bus aux murs, des écoles aux bâtiments publics. Très vite, son nom devient omniprésent, énigmatique, intrigant. Ce n’est plus seulement un surnom : c’est une déclaration d’existence dans un monde qui efface les visages des jeunes issus des quartiers défavorisés.
Si Cornbread ne se présente pas comme un activiste politique, sa pratique est éminemment sociale. Dans une Amérique encore marquée par la ségrégation raciale, les émeutes, les tensions policières et les discriminations systémiques, inscrire son nom sur les murs est un acte de visibilité radicale. Cornbread affirme : « Je voulais que les gens sachent que j’étais là. » Il détourne les codes de la ville, souvent hostiles aux minorités, pour en faire une scène d’expression personnelle, directe et populaire. Ce que l’on perçoit aujourd’hui comme du « graffiti » était, pour lui, une manière de revendiquer sa dignité et son humanité.
L’un des faits les plus célèbres de la carrière de Cornbread survient lorsqu’une rumeur annonce sa mort. Pour prouver qu’il est bien vivant, il tague son nom sur un avion… plus précisément, sur l’avion personnel des Jackson Five, en stationnement à l’aéroport de Philadelphie. Ce coup d’éclat attire la presse, et fait de lui une figure médiatique. Mais au lieu de capitaliser sur cette notoriété, Cornbread prend une autre voie : celle de la prévention et de l’éducation.
Contrairement à d’autres graffeurs de sa génération, Cornbread s’est éloigné du vandalisme gratuit pour œuvrer dans des programmes communautaires visant à détourner les jeunes de la violence et des gangs par l’art urbain. Il a collaboré avec des institutions pour encadrer les pratiques artistiques des jeunes et leur offrir des alternatives positives. À travers sa démarche, il montre que le street art peut être un levier d’inclusion, d’estime de soi, et de transformation sociale.
Aujourd’hui, Cornbread est reconnu comme une figure tutélaire du graffiti. Son nom apparaît dans les musées, les documentaires, les livres d’histoire de l’art urbain. Il a influencé les générations suivantes de graffeurs à Philadelphie, à New York et bien au-delà. Ce qu’il a initié par amour, instinct et spontanéité est devenu un langage visuel global, utilisé pour parler d’injustices, d’espoir, d’identité ou simplement pour poétiser le béton.
Cornbread n’a jamais revendiqué une œuvre d’art au sens traditionnel. Pourtant, son nom, écrit à la bombe dans les ruelles de Philadelphie, a changé la manière dont l’art peut être conçu, partagé, et vécu. En posant les bases du graffiti moderne, il a donné naissance à un mouvement planétaire, ancré dans la rue, dans les luttes, dans la vie. Et dans chaque signature, chaque fresque, chaque collage urbain, on retrouve un peu de cette énergie originelle : celle d’un jeune homme qui voulait simplement qu’on sache qu’il était là.
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