Peintres figuratifs et peinture figurative

Un héritage

L’imitation de la nature (Mimesis selon Platon et Aristote) reste pendant des siècles la forme essentielle de l’art. Ce n’est qu’à La Renaissance que l’artiste peintre tente timidement de sortir de ce carcan idéologique. C’est à cette époque que les natures mortes ainsi que des scènes de vie quotidienne deviennent plus nombreuses. Les représentations religieuses évoluent aussi par des allégories de plus en plus complexes. L’artiste fait appel de plus en plus à son inspiration.

Des siècles plus tard, une autre révolution bouscule les codes que l’on croyait immuables. De la révolution industrielle, la notion de progrès devient dominante. Elle porte des idées nouvelles que les arts reprennent à leur compte.

C’est l’apparition de nombreuses écoles qui vont de la peinture impressionniste, qui cherche l’émotion pure au plus près du naturel, jusqu’à la peinture symboliste qui s’y oppose par l’imaginaire et le fantastique. (De Claude Monnet un des chefs de file de l’impressionnisme, jusqu’à Paul Gaugin proche des poètes symbolistes comme Verlaine ou Mallarmé.)

Le bouillonnement des idées, en phase avec le progrès de la technique et de la science, permet aux peintres d’explorer de nombreuses voies dans l’art figuratif. (Paysages industriels, machine à vapeur, portraits caricaturaux, etc.) Le cinéma apparait, avec l’art photographique. Un certain « progrès artistique » est en cours. L’art abstrait voit le jour et se place en opposition à l’art figuratif. Cette dichotomie est encore valable de nos jours. Pourtant, les artistes clairvoyants savent très bien qu’entre l’art figuratif et l’art abstrait, la différence n’est qu’une affaire de style. Un tableau figuratif n’est pas un miroir de la réalité, de même qu’un tableau abstrait fait parfois penser à des formes matérielles.

La peinture figurative et le réalisme

Durant des siècles, la commande artistique concerne le plus souvent des portraits que l’on veut fidèles au modèle et magnifiés pour satisfaire le commanditaire. Le classicisme est de rigueur. La formation des peintres est académique et principalement constituée par l’apprentissage de techniques précises de retranscription du réel.

De nos jours, cet héritage est toujours enseigné. Il alimente des mouvements contemporains, réalistes, voire hyperréalistes. C’est par la maitrise des techniques et le choix des sujets que les peintres réalistes s’expriment. La performance technique joue un rôle important. Les effets semblent photographiques à une certaine distance. C’est ce qui est recherché au premier abord. La mise en scène des éléments picturaux arrive en second plan. Le tout crée l’œuvre complète.

Cependant, pour d’autres mouvements artistiques, la peinture figurative utilise l’apparence pour illustrer bien d’autres choses. Elle peut notamment représenter des images réalistes qui n’existent pas dans la nature. C’est du réalisme mental. Elle peut aussi utiliser l’apparence d’une composition pour exprimer une pensée et délivrer un message. La peinture figurative qui marque les esprits par une intention qui se veut au-delà du réel se nomme le surréalisme.

Il est clair que la peinture figurative utilise l’image au service d’une forme esthétique et d’un narratif. C’est ce qui nous fait dire que l’art figuratif n’est pas réaliste. Il utilise les codes de la reconnaissance visuelle, pour exprimer un art bien plus vaste.

L’imitation n’est pas un double de ce qui existe, mais une suggestion mentale. Le figuratif est un art de l’illusion. Tout commence avec les découvertes de principes physiques comme la perspective. L’impression de profondeur est parfois traitée si bien qu’elle en devient vertigineuse.

Peut-être avez-vous déjà vu des artistes de rue qui dessinent sur un trottoir à la manière d’un trompe-l’œil. Fausses marches ou bouches d’égout ouvertes. Ces dessins si réalistes que que les piétons font instinctivement un détour.

D’autres artistes utilisent la rue comme une gigantesque toile [voir Kitt Bennett]

Ainsi, la peinture figurative n’est pas un mouvement artistique. C’est un pan entier de l’art, avec des styles extrêmement éloignés les uns des autres.

L’avant et l’après-photographie

La photographie est apparue à la fin du 19 ᵉ siècle. Elle a remis en cause l’intérêt du réalisme dans la peinture figurative. Plus besoin de passer commande à des portraitistes, lorsqu’en une seconde un photographe fait la même chose. Ainsi, il y a eu une période d’interrogation chez les peintres.

Certains disparurent, tandis que pour d’autres, l’apparition de la photographie eut un effet dynamisant. Quelles en sont les raisons ?

• • Le peintre se libère de la fonction exclusivement représentative. Il peut déployer tout son talent pour exprimer ce que l’art a toujours été, une vision singulière du monde.

• • À l’inverse, quelques photographes voient immédiatement l’intérêt artistique de la photographie. Beaucoup de peintres pratiquent alors peinture et photographie. Une nouvelle aventure de l’art est sur le point d’exploser.

La peinture figurative explore des mondes jusqu’alors vierges. Parfois classique, parfois à la limite de l’abstraction, elle participe à la révolution artistique du 19 ᵉ et du 20 ᵉ siècle. Depuis, elle ne cesse de se réinventer.

Les peintres figuratifs nous invitent à réfléchir sur notre rapport au réel.

Le temps du désamour pour le figuratif

Dans la première moitié du 20 ᵉ siècle, la peinture figurative connait une baisse d’intérêt de la part de la critique et des décideurs institutionnels. On préfère à l’époque les nouveaux mouvements. C’est l’ère des « ismes ».

À cette période, la peinture figurative n’est pas clairement identifiée. Les doctrines des d’autres mouvements l’étouffent.

Ces changements dans l’art posent clairement la question de la place de l’art figuratif dans l’art en général. Doit-il totalement disparaître ? Pour certains artistes et critiques, c’est une évidence. Ces conceptions douteuses bénéficient d’un soutien de la majorité des milieux intellectuels de l’époque.

Heureusement, quelques galeries comme « The Whitney Studio Club » à New York, continuent à soutenir les artistes figuratifs, avec notamment la première exposition sérieuse d’Edward. Il connait des débuts difficiles, comme d’autres peintres figuratifs de son époque, se sentant mis à l’écart des mouvements à la mode de l’époque. L’art figuratif est considéré comme commercial. Il utilise des effets rétiniens, c’est-à-dire qui attirent l’attention, sans développer une profondeur esthétique.

Malgré tout, ces artistes persévèrent. C’est le cas particulièrement de Bernard Buffet, injustement dévalorisé par la critique. Bernard Buffet illustre parfaitement le désamour d’une élite française pour l’art figuratif contemporain.

Malgré cette hostilité des élites, il devient extrêmement populaire auprès d’un large public. Les attaques en règle de l’intelligentsia ne réussissent pas à discréditer l’art figuratif qui retrouve finalement la place qu’il mérite.

Un renouveau du peintre figuratif

Depuis quelques années, l’intérêt pour le figuratif contemporain se développe. Il existe toujours un courant de pensée négatif à son égard, de la part d’une certaine élite intellectuelle, mais de nombreux artistes s’imposent sur le marché avec de nouvelles visions sur l’art contemporain.

Longtemps, la peinture figurative a essuyé des critiques injustes. Trop « rétinienne », c’est-à-dire d’un bon goût convenu, ou trop commerciale. Quelques grands maitres ne se sont pas laissés influencer par la pensée commune de l’époque. Ils sont maintenant reconnus à leur juste valeur. Bernard Buffet, Ernest Pignon-Ernest, Kent Williams, etc.

Les artistes contemporains, comme Thomas Lévy-Lasne, Pierre Lamalattie, Francine Van Hove, Balthus, Jennie Saville, Peter Doig, Noureddine Zekara, Michael Alford, Balthasar Kłossowski et bien d’autres, transfigurent l’art figuratif.

Les frontières entre tous les mouvements artistiques explosent. Chaque artiste produit sa dynamique. L’art ne cesse de se redécouvrir.

Quelques peintres figuratifs qui marquent l’histoire de l’art figuratif actuel.

Michaël Borremans

Né à Geraardsbergen en 1963, Michaël Borremans, est un artiste contemporain figuratif belge. Il pratique un surréalisme contemporain.

Francine Van Hove

Née en 1942 à Saint-Mandé  (Seine), Francine Van Hove est connue pour peindre exclusivement des femmes dans des attitudes rêveuses. Sa technique est proche de la peinture de La Renaissance .