L’art ne peut se réduire à une fonction décorative ou esthétique. Moyen d’exprimer l’inexprimable, de se connecter avec l’inconnu et les mystères du monde, l’art et l’acte créatif sont sans doute à l’origine du monde vivant.
Plongés dans une époque où la recherche de sens devient une nécessité absolue, l’univers de l’art, et plus spécialement de l’art contemporain, pourrait bien devenir un élément essentiel de la survie de notre humanité.
En regardant un ciel étoilé, l’évidence saute aux yeux. Comment imaginer plus belle harmonie ? Quelle est cette force de création qui organise l’univers et comment agit-elle à travers moi pour que j’en ressente son infinie beauté ?
Si l’on admet que la fonction de l’art est de rendre le réel visible, alors se pose la question de la nature de ce qui nous est rendu visible. Cette question est vertigineuse et encore loin d’être envisagée dans son ensemble par la science ou la philosophie.
Ce qui nous semble beau et qui nous touche ne définit pas l’art, mais un sens esthétique de nos perceptions. C’est sans doute la base de création d’un langage, composé de concepts fondateurs primordiaux, que l’artiste cherche à organiser par sa volonté créatrice.
En ce sens, il n’est pas insensé d’imaginer que c’est par une certaine recherche esthétique que l’humanité s’est constituée.
Certains pensent que l’art est une imitation de la nature. Cette idée parait faible, car pourquoi prendre la peine d’imiter ce qui est déjà parfait et sous nos yeux ?
Pour Friedrich Nietzsche, l’art n’est certainement pas une imitation, mais une nécessité métaphysique qui rend possible la transcendance de la nature elle-même.
La création d’art serait donc une activité fondamentale de l’homme à l’origine de l’émancipation de sa pensée. Ce serait la forme suprême pour vivre en harmonie avec les éléments naturels.
Il n’est pas totalement irrationnel de penser qu’à sa manière, l’ensemble du vivant vise aussi la même harmonie. L’art serait alors la représentation d’une force primordiale de vie.
Comme l’écrivit Nietzsche, “Le monde est une œuvre d’art qui donne naissance à lui-même.”
La beauté telle que nous la voyons dans la nature est le modèle parfait de la relation harmonieuse entre les êtres. La vie sur terre n’a fait que suivre les voies tracées par des principes universels.
Le spectacle stupéfiant du cosmos prouve que ce que nous appelons art est sans doute une loi naturelle dont nous sommes depuis toujours imprégnés.
Pour des raisons inconnues, l’évolution naturelle va le plus souvent du simple au complexe. Il est des mystères, comme le chant extrêmement sophistiqué de certains oiseaux, ou les « décorations » qu’arborent certains animaux, qui ne peuvent s’expliquer par une approche uniquement utilitariste.
Certes, l’évolution naturelle a sans doute créé ces signaux dans un but précis, notamment pour assurer la reproduction de l’espèce. Mais on ne peut s’empêcher de penser qu’une fois son but atteint, la nature créatrice s’était « offert le luxe » de créer une oeuvre d’art. Il a été démontré par des expériences scientifiques utilisant des leurres, que des signaux plus grossiers et exagérés fonctionnent tout aussi bien, voir beaucoup mieux que l’original.
La question qui vient tout de suite à l’esprit est : pourquoi la nature s’est-elle donné tout ce mal pour aboutir à un résultat, certes magnifiquement harmonieux, mais à l’utilité douteuse?
Pour George Bataille, « l’art est le signe sensible de notre présence dans l’univers »
Ne doit-on pas renverser cette logique égocentrée, pour avancer que l’art est le signe de la présence de l’univers en nous-mêmes ? Et en poussant le raisonnement plus loin, nous pouvons dire que chaque être en possède l’essence, qui ne se réalise qu’avec une nécessité impérieuse.
L’artiste aurait ainsi une exigence vitale, provoquée par une présence au monde plus exacerbée que la plupart d’entre nous.
Il semblerait ainsi établi qu’une œuvre d’art soit bien plus qu’un simple objet et qu’elle porte, au-delà de sa nature, une fonction universelle.
Nous appréhendons la réalité à travers notre « appareil de perception », composé de notre système nerveux central et de nos organes de perception.
Il a longtemps été prétendu que cet appareil nous donnait une image subjective de la réalité, sans aucun rapport avec « ce qui est » vraiment.
Mais cette affirmation ne peux pas tenir. Bien sûr, nous savons que notre perception du monde est « limitée ».
Par exemple, nous ne pouvons voir qu’une petite partie du spectre des couleurs. Ce qui se situe en deça et au delà de notre vision nous est resté invisible, jusqu’à ce que deux scientifiques découvrent respectivement l’existence des infra-rouges et des ultra-violets (Wilhelm Herschel -1800 et Johann Wilhelm Ritter – 1801).
Chaque espèce animale possède son propre appareil perceptif, avec ses propres particularités. Ce que voient un chat, une abeille ou un aigle est sensiblement différent.
Cependant, l’image de la réalité d’une espèce ne vient jamais en contredire une autre, mais plutôt la compléter. C’est comme si chaque espèce possédait une perception tronquée de la réalité. Une partie du grand puzzle.
Chacun appréhende une partie du réel, celle qui lui suffit pour assurer sa subsistance.
Du point de vue du naturaliste, nos organes et notre appareil de perception ont été créés par la pression de la sélection naturelle, afin de mieux nous adapter au réel.
Notre cerveau et notre intelligence supérieure font partie de cet appareil et n’échappent pas à cette règle. Ils ont été créés par le monde, pour nous restituer une image certes incomplète, mais bien réelle de ce monde.
Nous percevons l’art par l’intermédiaire de nos cinq sens. Les émotions engendrées par la « captation » d’une oeuvre d’art sont sans conteste étroitement liées à notre culture et à notre éducation.
Le relativisme culturel utilise cette évidence pour tenter de prouver que la sensibilité à l’art ne serait « rien d’autre que » culturelle.
Malgré tout, nous pouvons avancer l’hypothèse que certains concepts d’harmonie et d’équilibre font partie d’un patrimoine génétique universel.
Dans sa Critique de la faculté de juger, Emmanuel Kant nous propose une formule qui tranche avec la traditionnelle opposition entre nature et culture, ou entre objectif et subjectif : « le beau est ce qui plaît universellement et sans concept ».
Les règles de l’harmonie en musique reposent sur des relations mathématiques entre les sons.
La parfaite symétrie d’un visage est l’un des critères de beauté, dans toutes les civilisations et à toutes les époques connues.
Or, harmonie et symétrie sont parties intégrantes de la grande majorité des organismes vivants.
Il n’est donc pas complètement farfelu de penser que ce que nous nommons « art » et « beauté » obéissent également à des règles universelles.
La création n’est pas le propre de l’homme. L’étude du cosmos, de la nature et des animaux nous démontre que l’univers est infiniment créatif.
Qu’on l’appelle Dieu, évolution naturelle ou hasard, le mystère reste entier.
Dans l’art se cache l’essence même de ce processus créatif. L’art nous guide, à l’orée du grand mystère de la vie et de l’univers.
L’art, c’est la vie!
Pierre Desenfant / Marc Erlich – Art4You
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